Aurel Buda et Sai Seidel-Sridhavan sont convaincus que le SPE trouvera sa place en complément des technologies disponibles aujourd'hui.
IO-Link Unlimited
En tant que spécialiste des capteurs intelligents, Turck apporte l'intelligence à la machine et crée ainsi le lien avec l'industrie 4.0 et l'IIoT. Sai Seidel-Sridhavan, directeur marketing produits de Turck, et Aurel Buda, directeur gestion produits systèmes d'automatisation d'usine, expliquent à Andreas Gees du magazine spécialisé elektroAutomation le rôle joué par IO-Link en tant que technologie de base dans le portefeuille et les développements futurs attendus pour cette technologie.
IO-Link a justement gagné en importance avec les concepts pour l'IIoT. Quel est le rôle de cette technique de communication pour Turck ?
Seidel-Sridhavan : En tant que membre fondateur de la communauté IO-Link, nous avons toujours poursuivi avec nos clients l'objectif de réaliser la communication numérique du niveau de commande jusqu'au dernier mètre dans la machine. À l'époque, nous avons investi dans une technologie dont nous ne pouvions pas prévoir l'évolution au départ. Aujourd'hui, IO-Link est un élément important de notre stratégie d'entreprise. Chaque produit de capteur et de communication que nous développons pour l'automatisation de l'usine est disponible au moins dans une version IO-Link. Souvent, le choix de l'IO-Link est stratégique et les appareils IO-Link sont lancés en premier. Avec la RFID, IO-Link est l'une de nos deux technologies clés pour les données numériques provenant de la machine et leur utilisation dans l'automatisation. IO-Link est d'abord une interface entre le capteur et la commande, mais elle offre aussi la base pour réaliser des concepts IIoT.
Buda : Turck ne produit pas seulement un grand nombre de capteurs de différents types pour les tâches de commande ou le monitoring des processus, mais aussi beaucoup plus pour des solutions IIoT complètes. Nous proposons à nos clients une gamme complète de produits IO-Link, des capteurs aux lecteurs d'écriture RFID, des blocs d'alimentation et des luminaires aux concentrateurs et aux maîtres pour les systèmes et les modules de blocs d'E/S - pratiquement du capteur au cloud. Le tout est complété par des offres logicielles intelligentes qui facilitent considérablement l'utilisation de la technologie par les utilisateurs. Nous considérons IO-Link comme l'interface entre le monde de la commande et celui de l'IIoT et c'est pourquoi nous nous occupons aussi intensivement de la surveillance des conditions.
Au début, IO-Link avait des problèmes d'acceptation. Cela a changé. Pourquoi Turck a-t-il développé un portefeuille aussi vaste d'appareils avec IO-Link ?
Buda : La mise en réseau efficace de commutateurs même simples dans une machine et donc la communication bidirectionnelle au niveau du terrain est un cas d'utilisation important chez Turck. IO-Link est ouvert et indépendant du bus de terrain. Nous le soutenons également avec notre stratégie multiprotocole Ethernet dans les maîtres. La gamme de capteurs va du simple détecteur de proximité aux appareils complexes qui fournissent des informations supplémentaires sur leur état de fonctionnement et les conditions environnementales. Nos capteurs radar, par exemple, prennent en charge la surveillance conditionnelle avec des analyses intégrées de l'humidité, des vibrations, de la température, etc. Avec IO-Link, Turck évolue dans un écosystème dans lequel des solutions d'actionneurs standardisées d'autres fabricants sont également disponibles. C'est pourquoi nous nous sommes orientés vers les actionneurs du côté des appareils E/S. Nous connectons les E/S au maître via IO-Link, ce qui nous permet de collecter des signaux de capteurs simples, mais aussi de commuter des vannes avec des courants plus élevés.
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Seidel-Sridhavan : L'acceptation s'est accrue avec la disponibilité croissante d'actionneurs compatibles IO-Link et de nombreux fabricants d'appareils ont découvert cette interface pour eux-mêmes. Au début, le Condition Monitoring et l'IIoT ont certes suscité de l'intérêt, mais l'écosystème n'était pas complet. Aujourd'hui, nous parlons d'un large écosystème de capteurs, d'îlots de vannes ou d'alimentations électriques. Il s'est avéré que IO-Link n'est justement pas seulement pertinent pour les capteurs, les E/S et les commandes. Les fabricants s'épargnent l'intégration de différentes interfaces. Les utilisateurs profitent de cette interface unique, avec des câbles, des connecteurs et des logiciels identiques.
IO-Link a gagné en popularité lorsque les premiers concepts de l'IIoT sont apparus. Auparavant, IO-Link était utilisé pour configurer des capteurs.
Buda : L'IIoT, la surveillance des conditions, la maintenance prédictive, l'optimisation des processus et la gestion des actifs ont donné des ailes à IO-Link. Notre message a toujours été que IO-Link permet aussi une infrastructure économique. IO-Link communique via un câble standard bon marché. Bien que les îlots de vannes ou les concentrateurs puissent également être mis en réseau au moyen d'Industrial Ethernet, les coûts sont alors nettement plus élevés, alors que le coût d'un capteur n'a pas augmenté du fait de l'intégration d'IO-Link. Et la transmission des données de processus, d'identification et d'accès constitue en fin de compte la base des jumeaux numériques et de la gestion des actifs.
Turck propose des solutions allant du capteur au cloud. Quelles variantes de logiciel IO-Link sont utilisées pour soutenir la configuration et le fonctionnement ?
Seidel-Sridhavan : Nous réalisons aujourd'hui la configuration dans les systèmes de commande Profinet directement dans ceux-ci, les données de la configuration IO-Link étant intégrées dans le fichier GSDML Profinet du maître. Ainsi, l'utilisateur peut également configurer ses composants dans son système d'ingénierie habituel pour le monde de la commande. Nous avons en outre intégré dans les serveurs web de nos composants un outil qui permet d'accéder à l'IODD-Finder, une base de données globale de presque tous les dispositifs IO-Link du marché. La description du périphérique IO-Link est alors disponible dans le système d'ingénierie ou dans un système de configuration via des interfaces automatisées.
Buda : Notre outil de configuration basé sur le web a la même interface pour charger automatiquement les IODD depuis le réseau. Cet outil convient pour la configuration, mais aussi pour la première mise en service. Cela concerne par exemple aussi les lecteurs-inscripteurs RFID, pour lesquels la configuration est très simple grâce à IO-Link. En complément, nous pouvons également programmer des applications web qui facilitent par exemple la mesure des capteurs. Nous l'avons réalisé pour nos radars, mais aussi pour nos capteurs de vibrations, et nous élargissons continuellement cette offre. Les profils IO-Link définissent en outre le comportement standardisé de certains appareils ou classes. Il existe déjà quelques profils, par exemple pour les capteurs intelligents. Ainsi, les appareils de même type peuvent être traités de la même manière sur le plan logiciel, indépendamment du fabricant.
Quelle est l'importance d'IO-Link pour le Condition Monitoring et la Predictive Maintenance ?
Seidel-Sridhavan : La structure d'automatisation classique prévoit une connexion à un API. De là, les données vont par exemple vers les systèmes MES. Mais différents groupes de clients exigent de plus en plus l'accès parallèle aux données directement à partir des maîtres IO-Link. Au cours de la durée de vie d'une installation, le système de surveillance conditionnelle peut ainsi être étendu ou modifié à volonté. Nous proposons une telle interface parallèle dans nos maîtres depuis de nombreuses années. Elle permet de réaliser la surveillance conditionnelle à l'aide de nos passerelles de périphérie et de services en nuage appropriés. Notre concept d'automatisation décentralisée ne comprend pas seulement les composants à l'extérieur de l'armoire électrique en IP67, mais aussi le prétraitement des données directement sur la machine. Pour ce faire, nous proposons également des fonctions logiques pour notre Edge Controller. Nous sommes également ouverts aux normes industrielles comme OPC UA et MQTT pour communiquer au niveau informatique.
Buda : Lorsque les thèmes de l'IIoT et de l'industrie 4.0 sont apparus, on a beaucoup parlé de big data pour pouvoir lancer plus tard des projets de machine learning. Mais beaucoup de données génèrent beaucoup de trafic et nécessitent beaucoup de bande passante et d'espace de stockage. Aujourd'hui, il est courant de ne transmettre que des données intelligentes. Il peut s'agir d'une évaluation de la date ou de ses modifications, il peut aussi s'agir d'une agrégation de données ou de l'évaluation de corrélations entre différentes valeurs de capteurs. À cela s'ajoute l'aspect de la latence. Si les décisions sont prises directement sur des contrôleurs de périphérie décentralisés, un temps de réaction rapide est garanti.
IO-Link est donc une base idéale pour les services numériques ?
Buda : Nos contrôleurs de périphérie constituent la plate-forme permettant de prétraiter les données à l'aide de la logique ou de les visualiser via des protocoles comme OPC UA ou de les envoyer dans le cloud. Nous proposons à cet effet des blocs fonctionnels et des modules prédéfinis. Nos ingénieurs d'application mondiaux et nos équipes de vente discutent de la tâche avec le client et réalisent une preuve de concept. Cela va souvent jusqu'à la visualisation. Mais il s'agit aussi souvent de se connecter à des systèmes MES ou cloud. Nous travaillons également avec des intégrateurs de systèmes qui programment des applications clés en main. Nos appareils peuvent communiquer avec n'importe quel système, mais nous proposons aussi notre propre cloud avec la devise 'configurer au lieu de programmer'. Le groupe cible est constitué des constructeurs de machines qui ne connaissent guère les services numériques. Ils commencent par l'accès à distance et, grâce au service cloud de Turck, ils peuvent visualiser, enregistrer et analyser toutes les données. Au final, on obtient des solutions clés en main qui peuvent être adaptées.
Comment jugez-vous les développements actuels concernant IO-Link+ ou IO-Link over Single Pair Ethernet ?
Buda : Les origines de Single Pair Ethernet viennent de l'industrie automobile, pour remplacer le bus CAN. Chez SPE, différents standards se sont cristallisés pour définir des longueurs de transmission et des débits de données qui conviennent également à l'utilisation dans l'automatisation et l'industrie des processus. Nous aussi, au sein de la communauté IO-Link, nous avons regardé de près les développements et avons spécifié la technologie à 10 Mbit sur de plus longues distances comme IO-Link+. Bien qu'il s'agisse d'un autre moyen de transmission, nous voulons conserver les avantages d'IO-Link. Nous ne cherchons pas à concurrencer Profinet, Ethernet IP ou d'autres protocoles Ethernet. IO-Link+ est plutôt destiné à des classes d'appareils que nous ne pouvons pas servir aujourd'hui. IO Link est limité à 20 mètres entre le maître et l'appareil. À cela s'ajoute un débit de données inférieur à 1 Mbit. Avec l'émergence des concepts IIoT, il y aura souvent plus de données qui circuleront. De plus, IO-Link ne peut pas être utilisé aujourd'hui dans l'automatisation des processus. IO-Link+ pose les bases pour pouvoir transmettre des données jusqu'à la zone 0 et 1.
SPE et des protocoles comme Profinet pourraient bien devenir une alternative à IO-Link. Quelles sont les différences et où se situent les limites ?
Buda : L'une des attentes vis-à-vis du SPE est de permettre des connexions de capteurs à des coûts comparables à ceux d'IO-Link, ce qui, selon les estimations actuelles, est très improbable. De même, il ne sera guère possible de connecter des capteurs sur de longues distances et des câbles non blindés. Dans la communauté Profinet, on considère que l'avantage en termes de coûts réside surtout dans les lignes bifilaires non blindées. Il est donc peu probable qu'une communication aussi robuste que celle d'IO-Link soit possible avec SPE. Il existe également une différence du côté des appareils. Il existe des capteurs complexes pour lesquels l'interface de communication ne représente pas une part importante du coût total. Dans ce cas, SPE devrait être utilisé plus rapidement. Pour un capteur simple, IO-Link s'imposera comme une solution indépendante du bus de terrain. Un maître IO-Link dispose aujourd'hui de quatre ou huit ports IO-Link et connecte ainsi jusqu'à huit appareils à la commande via une seule connexion. En revanche, si je connecte huit capteurs via SPE, je gère huit connexions de commande individuelles. Étant donné que chaque connexion doit être configurée et gérée, des ressources de mémoire et de puissance de calcul sont également utilisées à cet effet. SPE ne remplacera pas IO-Link, mais le complétera. Nous sommes convaincus que le SPE trouvera sa place en complément des technologies disponibles aujourd'hui.
Seidel-Sridhavan : IO-Link en tant que technologie offre un potentiel considérable pour développer également de nouveaux domaines d'activité, mais la performance est limitée. Les appareils qui nécessitent un débit de données plus élevé ne sont pas au centre des préoccupations d'IO-Link. Le message est clair, IO-Link+ est une extension, pas le successeur d'IO-Link..
Quelle importance Turck accorde-t-il au thème IO-Link Safety en tant que fournisseur de sécurité ?
Buda : Nous observons le marché de très près. Turck propose différents produits Safety, notamment dans la gamme IP67 - des appareils Profisafe et hybrides qui combinent des canaux Safety et IO-Link, avec une fonction d'arrêt intégrée qui permet d'arrêter les actionneurs en toute sécurité. Mais cela ne correspond pas au protocole IO-Link Safety. La technologie en tant que telle est intéressante et fera progresser IO-Link. Nous considérons également IO-Link Safety comme une approche intéressante, car le domaine de la sécurité est justement marqué par des systèmes de capteurs et d'actionneurs propriétaires. IO-Link Safety est le premier standard harmonisé au niveau inférieur. Nous aurons ainsi un champ de fournisseurs hétérogène pour des interrupteurs et des capteurs sûrs, qui pourront également être connectés à des maîtres de différents fabricants.
Seidel-Sridhavan : Ces dernières années, la plupart des fabricants ont développé des appareils pour le domaine sécurisé qui associent IO-Link et Profisafe. Comme il s'agit de deux concepts, la communauté IO-Link ne l'a pas soutenu. IO-Link Safety est indépendant de Profinet, Ethercat ou Ethernet/IP. Au sein de la PNO, des spécifications ont déjà été élaborées sur la manière d'intégrer IO-Link-Safety dans Profinet, et les autres organisations vont certainement suivre. Il est important que les fabricants de capteurs et d'actionneurs de sécurité se concentrent sur une norme. Un interverrouillage de porte, par exemple, nécessite jusqu'à présent un câblage complexe. IO-Link-Safety, avec sa communication bidirectionnelle, apporterait des avantages considérables dans ce domaine.
Auteur | L'entretien a été mené par Andreas Gees, rédacteur du magazine spécialisé elektroAutomation
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